L’Atlantide, un mythe insubmersible

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Étranges traces qui s’étirent sur une centaine de kilomètres… Source: futura-sciences.com

Au large des Canaries, les sillons horizontaux d’origine géologique inconnue d’une structure engloutie à plus de 5 kilomètres de profondeur sont visibles depuis le logiciel Google Earth. Ils alimentent le mystère: s’agit-il de l’Atlantide, décrite par Platon au large du continent africain, face aux Colonnes d’Hercule? L’ensemble, un rectangle de 130 sur 170 kilomètres, à de quoi laisser rêveur: bizarrerie géologique inexpliquée ou vestiges engloutis d’une civilisation brillante?  L’article « Google Earth a-t-il permis de découvrir l’Atlantide » posté sur le magazine en ligne Futura Sicences  qui nous renvoie à ses sources en fin d’article, des brèves du Telegraph [1] et du Sun  [2] (en anglais) viennent démystifier l’information, puisqu’il s’agit d’une erreur de Google, les traces étant issues d’une mission océanographique américaine remontant à 1971…

Cet exemple en guise d’introduction nous montre que le mythe de l’Atlantide est profondément ancré dans notre imaginaire collectif, mais aussi et avant tout dans les récits de diverses civilisations qui décrivent toutes des épisodes cataclysmiques ou diluviens. Dans cet article, je me propose de faire un tour d’horizon de quelques sites archéologiques qu’on a pu relier au mythe, mais que la recherche scientifique vient éclairer sous un jour plus rationnel.

THÉORIES À FOISON, CONFÉRENCE AU SOMMET

Les théories plus ou moins archéologiques foisonnent afin de tenter de localiser l’île ou le petit continent submergé qui pourrait correspondre à l’Atlantide, dans l’Océan Atlantique, en Méditerranée ou en mer du Nord; ce sont les localisations dites « classiques », tandis que d’autres théories soulevées sont bien plus fantaisistes, comme les quelques hypothèses qu’on retrouve sur le site L’épopée atlante, sous la rubrique « Improbables Atlantides« .

L’intérêt suscité par le mythe est tel qu’il s’est même tenu du 11 au 13 juillet 2005 la première conférence internationale sur l’île de Milos en Grèce (il y en a eu 3) réunissant de nombreux scientifiques autour de la question de l’Atlantide: « The Atlantis Hypothesis: Searching for a Lost Land » avec pour résultat la création d’une sorte de « cahier des charges » de l’Atlantide en 24 points. [3] Ces points reprennent essentiellement les données évoquées par Platon, qui dans le Critias [4] pose l’hypothèse de l’Atlantide.

L’ATLANTIDE, UN MYTHE PLATONICIEN

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L’Atlantide, un paradis sur terre qui ne manquait de rien… Source

Dans le dialogue du philosophe grec, le mythe est perçu comme une métaphore de la punition divine et une mise en garde contre la décadence de la cité grecque tournant le dos à ses grands principes fondateurs (démocratie, etc.). Il s’attache donc à nous raconter après la division du monde entre les dieux, la naissance légendaire grâce à Poséidon du royaume de l’Atlantide, du nom du premier roi (Atlas). Le royaume est riche et l’île luxuriante et ses habitants d’essence divine ne manquent de rien. Puis après ce discours de splendeur vient celui du déclin et la menace du châtiment:

« Alors le dieu des dieux, Zeus, qui règne suivant les lois et qui peut discerner ces sortes de choses, s’apercevant du malheureux état d’une race qui avait été vertueuse, résolut de les châtier pour les rendre plus modérés et plus sages. »

Platon, Critias, 120a-120c

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… jusqu’à sa destruction.  Source

Cette lecture allégorique de la déchéance d’une civilisation brillante condamnée, d’un âge d’or et du Paradis perdu (rapport à la Bible) vaut tout au long du Moyen-Âge et jusqu’à la Renaissance, où l’on commence à se mettre en quête du continent disparu, en lien avec le « Nouveau Monde », Christophe Colomb, etc.

Au XIXe siècle, les fouilles de grandes cités mythiques telles que Babylone ou Troie font resurgir le mythe. De façon générale, la littéraire autour de l’Atlantide se multiplie durant tout le siècle car sa localisation et l’histoire du royaume détruit par un cataclysme de grande ampleur peut possiblement correspondre à beaucoup de cités perdues. Il y aurait ainsi un « fond de vérité » au mythe platonicien… On dévoile des cités enfouies, des civilisations de plus en plus anciennes, alors pourquoi la mythique Atlantide? Une véritable « Atlantologie » [5] va se forger dans le courant du siècle, et est toujours très présente aujourd’hui sur la Toile, avec des sites Web de toute nature, plus ou moins loufoques nous présentant réflexions et théories. L’un d’eux, http://fr.was-this-atlantis.info/, crée par Wolter Smit en 2007, ancien informaticien est l’un de ces amateurs et curieux sur les traces de l’Atlantide et nous livre sur son site une analyse sur sa probable existence. Pour lui, la recherche de l’île s’apparente presque à une enquête policière…!

« Je ne crois pas non plus que des îles, surtout les grandes, peuvent disparaître dans le néant et que celles-ci peuvent disparaître en ne laissant aucune trace. Cela ressemble à quelqu’un qui essaye de commettre le crime parfait, mais le crime parfait n’existe pas. Il doit forcement rester une certaine trace quelque part. »

Wolter Smit, http://fr.was-this-atlantis.info/avant-propos.html , 2007

Voyons maintenant ce qu’il en est du point de vue de l’archéologie.

THERA-SANTORIN, UNE ATLANTIDE DANS LES CYCLADES?

Une éruption volcanique de grande ampleur a eu lieu vers 1600 avant JC sur l’île de Théra, dans les Cyclades, comme en atteste la morphologie particulière de l’île (formation d’une caldeira) et les diverses datations (carottes glaciaires, carbone 14). Après l’événement, les archéologues ont constaté une absence de sites sur deux siècle. Il est tentant de faire un parallèle avec l’Atlantide, car dans un premier temps l’éruption du Santorin aurait mis à mal la civilisation minoenne et les échanges (selon l’archéologue Marinatos dans son article archéologique le plus important fut « La destruction volcanique de la Crète minoenne » (1939) [6]  Hors, ce fut un événement important, mais pas majeur pour l’évolution économique et sociale des Cyclades et de la Crète (comme le soutiennent de nombreux archéologues à la suite de Marinatos. Les palais minoens s’effondrent vers 1450 avant notre ère.

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L’île de Santorin et sa caldeira. Source

LES STRUCTURES SOUS-MARINES DE YONAGUNI AU JAPON

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Dessin d’ensemble de la structure. Source

Cette mystérieuse structure a été découverte en 1985 par un plongeur alors qu’il observait des requins. Le professeur Masaaki Kimura, de l’université de Ryukus, Okinawa l’a étudiée et pour lui, pas de doute, ce n’est pas une formation naturelle. Ce « monument de Yonaguni » peut faire penser aux pyramides à degrés puisqu’elle présente plusieurs plate-formes. Mais tous les spécialistes ne sont pas convaincus de l’origine « humaine » des structures englouties, comme Robert Schoch, docteur en géologie à l’Université de Yale. Monument préhistorique ou formation géologique? L’aspect très lisse et peu dégradé de l’ensemble nous oriente vers la première hypothèse; cependant pour Schoch les structures, si réellement édifiées par des hommes, devraient être beaucoup plus colonisées par la vie marine. L’article en ligne disponible sur le site de National Geographic (en anglais), nous présente les convictions du professeur Kimura et les découvertes qu’il a fait sur le site. L’équivalent de l’article en français est disponible ici.

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Le plongeur donne l’échelle… Source

Quoiqu’il en soit, l’Atlantide a inspiré des milliers ouvrages, une infinité d’articles, sites Web, films, documentaires et romans en tous genres. Le mythe, plus littéraire que réalité [5] continue d’exercer une réelle fascination et de susciter intérêt  et réflexions. En conclusion, il faudrait peut-être voir dans ce regain de fascination pour les catastrophes destructrices de civilisations et autres déluges le reflet des incertitudes de notre société actuelle, car ce sujet correspond à nos peurs et interrogations.


Bon à savoir! Les profondeurs de la Baltique abritent-elles l’Atlantide? Certains l’ont fortement pensé après la découverte par des plongeurs suédois à Hanö d’un gisement datant de 11000 ans… Sauf que, même si bien conservé, il s’agit d’un campement mésolithique de l’âge de pierre! On est loin de l’Atlantide qui surpasse technologiquement toute civilisation comme on l’imagine. mais ce campement englouti nous renseigne sur les modalités d’occupation de la région durant la fin de la dernière glaciation. Ce site  a été surnommé « L’Atlantide de l’Âge de Pierre »


Notes:

[1] Matthiew MOORE, « Google Ocean: Has Atlantis been found off Africa? » , The Telegraph, 2009

[2] Virginia WHEELER, Rhodri PHILLIPS, « Is this Atlantis?« , The Sun, 2009

[3] La liste de points est disponible sur le site « L’épopée atlante » à cette adresse http://atlantides.free.fr/actu/actu_2005_3.htm. Source originale sur le site de la conférence Atlantis 2005, disponible ici.

1.La métropole atlante ne devrait être localisée que là où existait une île et où des parties de cette île peuvent encore exister.

2.La métropole atlante devrait avoir eu une géomorphologie spécifique, composée d’anneaux concentriques alternés de terre et d’eau.

3.L’Atlantide devrait avoir été située au-delà des Colonnes de Hercule.

4.La métropole atlante était plus grande que la Libye, l’Anatolie, le Moyen-Orient et le Sinaï réunis.

5.L’Atlantide doit avoir abrité une population instruite avec des qualifications en métallurgie et en navigation.

6.La métropole atlante devrait avoir été assez facilement accessible d’Athènes par la mer.

7.A l’époque, l’Atlantide devrait avoir été en guerre avec Athènes.

8.La métropole d’Athènes doit avoir subi à l’époque une destruction physique dévastatrice sans précédent.

9.La métropole atlante devrait être entièrement ou en partie sous les eaux.

10.La métropole atlante a été détruite 9000 « années égyptiennes » avant le 6ème siècle av. J.C.

11.Le port de la métropole atlante était à 50 stades (7.5 kilomètres) de la ville.

12.L’Atlantide a eu une densité de population élevée, assez pour entretenir une grande armée (10.000 chars, 1.200 bateaux, 1.200.000 hoplites)

13. La religion atlante comportait le sacrifice de taureaux.

14.La destruction de l’Atlantide a été accompagnée d’un tremblement de terre.

15.Après la destruction de l’Atlantide, le passage des bateaux a été rendu impossible.

16.Les éléphants étaient présents en Atlantide.

17.Aucun processus physiquement ou géologiquement impossible n’est en cause dans la destruction de l’Atlantide.

18.Des sources chaudes et froides, avec dépôts de minérai, étaient présentes en Atlantide.

19.La Métropole atlante était située sur une plaine côtière de 2000 x 3000 stades, entourée par des montagnes tombant dans la mer.

20.L’Atlantide commandait d’autres états pendant la période.

21.Les vents en Atlantide venaient du nord (seulement dans l’hémisphère nord)

22.Les roches en Atlantide étaient de diverses couleurs: noir, blanc, et rouge.

23.Il y avait des canaux pour l’irrigation en Atlantide.

24.Chaque 5ème et 6ème année, les Atlantes sacrifiaient des taureaux.

[4] Texte du Critias disponible sur le site Numispauci à cette adresse: http://ugo.bratelli.free.fr/Platon/Platon-Critias.htm#_ftn1 (traduction d’Émile Chambry)

[5] Chantal FOUCRIER, Le mythe littéraire de l’Atlantide, 1800-1939: l’origine et la fin, 2004, p.9, [en ligne], disponible sur Google Books.

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Spyridon_Marinatos


Ressources en ligne:


Chloé

 

2 réflexions sur “L’Atlantide, un mythe insubmersible

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